Gagnyngham et ses formulations. Gagnyngham, c’est parler du contre-champ, ce qui est en dehors du spectre de ta vision, mais que tu devines, entends, crains peut-être… A Gagnyngham, il y a la marge. Et il y a des marges autour de cette marge, marges comme autant d’histoires périphériques, mais toutes aussi centrales. Ici, je parle de J.M..
J.M. (que tu connais, Roger) est depuis plus d’un an et demi dans des profondeurs bien ‘ardkore. La folie douce qui l’habitait s’est sédimentée en un amas épais, sombre et profond tel un trou noir qu’il traîne avec lui dans les « vertes prairies de la périphérie ».
La Boutique Solidarité de Gagny, où je mène depuis 14 ans cet ouvroir de théâtre permanent, le voit émerger puis replonger, poisson pélagique, insaisissable et solitaire. On pourrait réduire cette histoire à un lapidaire : quelqu’un, quelque part va mal. Oui. Certes. Un de plus. Mais seulement, il semblerait que, depuis quelques jours, ce quelqu’un va… mieux.
Ce sont des signaux faibles : des appels, des textos. En bout de ligne, la voix est claire, le discours posé et il y a toujours ce flow typiquement lui, sa jactance. Moins de parano aussi et une plus grande lucidité sur son état et celui du monde. Une inquiétude surtout, celle de sa place dans le travail de Bubblegum Parfum Désert et ses spectacles oscillant entre désastres et grâces, auxquels il a largement contribué ces dernières années. Car J.M. est souvent un interprète unique, sorte de Jazzman à l’ancienne, avec les débordements et les miracles qui vont avec…
Depuis octobre, je mène un nouveau travail entre Nantes et Gagny pour une nouvelle création à venir à l’automne 2024 (SONOS#2, co-réalisée avec l’amie Fleur Sulmont). Une nouvelle troupe s’est agrégée, des liens d’amitié se créant entre Loire-Atlantique et Seine Saint-Denis. J.M. n’a pas pu prendre part à cette amorce d’aventure.
La semaine dernière, les Nantaises et Nantais étaient à Gagny et Torcy, pour répéter et jouer dans la banlieue en flammes. J.M. a vécu cela comme un électrochoc, avec l’impression d’avoir été « évincé »… Ce qui n’est pas vrai, mais pas complètement faux non plus, puisqu’il nous fallait avancer malgré tout, en dépit de tout, pour la cause, le prôôôjeeeeet, pour Gagnyngham, comme toujours, car – comme disait X. dans notre spectacle inaugural (Je suis) Ripley Bogle – « allez plutôt saouler les travailleurs sociaux avec vos problèmes, moi je fais de l’Art ! ».
Reste que j’ai toujours eu envie de faire un spectacle rien qu’avec lui, et je me dis que, s’il est partant (et il semble l’être) et que ce n’est pas dangereux ou néfaste, c’est peut-être l’occasion de commencer à concrétiser ce désir. Ecrire pour lui, avec lui et à travers lui parler de Gagnyngham (« un espace extensible à l’infini »), de ses habitantes et habitants, des musiques qui les traversent et hantent, mais aussi des crises qui les bouleversent depuis 18 mois. (Pire ! je me dis que J.M. est un peu comme la Ferme du Bonheur; fermé au public par des puissances extérieures, il n’a pas ouvert depuis longtemps les bras et ne demande qu’à rejaillir en pleine lumière, et s’étendre, se développer, se réinventer, sans cesse, sans cesse…)
Nous jouerions cette fantaisie qui n’en sera peut-être pas une le 15 juillet, à Nanterre, pour la Nième Contre-fête nat’.
Avé Moustatam, les frères, les soeurs, comme dit J.M, les bousiers stellaires vous saluent bien.
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